Racines mêlées
Ici commence notre voyage dans la forêt aux mille visages. Nous y entrons nus, nous en sortirons sages. Notre chair offerte à la fraîcheur fertile, nos narines ouvertes à l'odeur enivrante des sous-bois, notre regard apprivoise doucement la pénombre. Cela faisait si longtemps que nous n'avions goûté la douceur du foyer. 

Peuple des cimes, tournés vers la lumière, enfants de la terre, nourris d'humus. Grandis dans la jungle touffue, sur les flancs venteux des collines ou dans les sages rangées du verger.
Tous adelphes, enfants de la sylvie et de la rosée, saurons-nous seulement nous reconnaître ? Autour de nous, la forêt de l'humanité respire à l'unissons. Dans ses veines, une même rosée. Ni bien, ni mal, ni guerre, ni paix, celui-là meurt pour que l'autre vive.

Sous la mousse grasse qui étouffe nos pas, le voyage se fait pèlerinage. Happés par les bruits du monde, nous avions fini par devenir étrangers en notre propre village. Il nous faut à présent exhumer les chemins oubliés du passé. Enfouies dans les entrailles de la terre, nos racines mènent au cœur de nos êtres. Elles tissent en secret la toile qui nous arrime au monde et nous protège de la tempête.

Dans la brise légère qui emporte nos pollens, c'est une autre odyssée qui commence. Incertaine et exaltante, elle est un souffle de vie qui nous pousse vers l'inconnu, vers l'insondable, vers l'impossible. Nul ne sait ce qui naîtra de ces métissages de chair et d'esprit, nul ne s'en soucie. Seul compte ce rituel immémorial par lequel la forêt communie à elle-même.

Béatrice Kammerer, autrice. 

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