For(t) intérieur
Demeure qu'on hante, domicile qu'on élit, forteresse où l'on se terre, abri où l'on se niche, carcasse que l'on traîne, asile où l'on suffoque, corps que l'on habite.
Que sont donc ces remparts de chair ou de briques, de sang ou de mortier où nous enfouissons notre créature ?
Elle suinte des gouttières, transpire des murs, habille nos jardinières, et dévaste nos façades.
Son haleine sauvage exhale sous le parfum sucré de la domesticité.

Nos chrysalides nous protègent, nous cajolent, nous étreignent.
Elles nous embrassent, nous étouffent, nous aliènent.
Quand ces utérus nous vomiront-ils enfin ?

Maisons nues, corps assiégés. Placards vides et fenêtres aveugles.
Seuls les ascenseurs nous donnent l'illusion que nous nous rendons quelque part.
Ils sont le royaume des êtres sans visage et des femmes sans souvenirs.
Les murs s'effritent, et la poussière vole. Nous avons fermés nos yeux et muré nos bouches pour plonger notre regard dans les tréfonds de notre âme.
Sommes-nous forçats ou geôliers ? Pour qui sont ces barreaux qui coiffent nos fenêtres ? 

L'extérieur nous baigne de sa lumière à l'embrasure de la fenêtre.
Il murmure sa promesse dans une langue oubliée. Son ombre seule nous est encore familière. Là où il ne semble rester d'autre issue que l'éternité pour nous évader de ce huis-clos insensé, s'invite, comme dans le judas d'une porte blindée, l'objectif de la photographe.
Par lui, nous scrutons l'existence contorsionnée et la cruelle beauté dont elle se pare.
Est-on seulement chez soi, en son for(t) intérieur ? 

Béatrice Kammerer, autrice.
Paulina Fuentes-Valenzuela présente
"For(t) Intérieur"
Exposition personnelle
du 15 au 30 septembre 2016
La Menuiserie
3, rue Carquillat 69004 Lyon
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Vues de l'exposition

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